7 ans de thérapie, encore peur d’être impossible à aimer
ou comment vivre avec un stress post traumatique complexe
APR 16, 2025
Trigger warning : si tu es concerné par le psychotrauma, et que la lecture de cet article te met mal à l’aise ou réveille des symptômes, sens toi libre de quitter cette page et de te préserver. A chaque mot, chaque ligne, tu peux arrêter de lire et aller prendre soin de toi. T’écouter est le principal.
Bon, il m’aura fallu plus d’un mois pour avoir le courage de réécrire depuis mon article “Aux yeux de la société, j’ai foutu ma vie en l’air”.
Exprimer sa vérité, ça crée indubitablement des vagues. Et bien que ça soit précisément le propos en tant qu’auteur et artiste – d’avoir un impact – ça n’en reste pas moins difficile. Dans ce torrent d’amour, de soutien, il y a aussi eu quelques remous qui se sont ensuite transformés en vagues, puis en tsunamis… Pour réveiller (encore) une créature qui sommeille au moi depuis très longtemps : le syndrome de stress post-traumatique (ou trauma complexe).
Bienvenue dans le récit d’une femme de 28 ans, présentement émotionnellement vulnérable, et qui a donc la merveilleuse idée de s’exposer à nouveau sur un sujet ô combien tabou et sensible.
Alors pourquoi s’infliger une telle peine me direz-vous ?
Et bien c’est simple : si les concernés n’en parlent pas, alors qui d’autre ? Je veux en parler car je n’ai jamais lu de témoignage sur ce sujet, alors que c’est précisément ce dont on a besoin quand on fait face à une reviviscence traumatique : se rappeler que l’on est pas seul.e, ni fou/folle, et que ça va aller.
Qu’on soit clair, mon intention ici n’est pas de faire un cours théorique, ni de donner des conseils, on en trouve bien assez ailleurs, et c’est tant mieux. Je veux ouvrir une bribe, un aperçu d’une réalité qu’énormément de personnes vivent en silence, et sortir de la honte, du tabou ou du silence qui colle encore à la peau des sujets de santé mentale.
La deuxième raison du pourquoi de cet article : écrire libère, expie, et guérit. Ni plus, ni moins : ça me fait du bien. Je me sens prête à m’assoir et à discuter ouvertement avec et au sujet du trauma complexe. Cette fois, parce que si nous, artistes, n’osons exprimer au monde la réalité de cette expérience humaine – tantôt délicieuse, tantôt abjecte – alors qui d’autre ?
C’est absolument inconfortable pour moi, d’oser exprimer cette noirceur alors même que j’ai été conditionnée à croire qu’elle poussera tout ceux que j’aime à me fuir, me juger, ou me rejeter.
Ça à l’air dramatique ? Ça l’est, mais n’oubliez pas que je suis cancer ascendant scorpion.
Pourquoi cette soudaine pointe d’humour ? Justement parce qu’il ne faudrait pas que ça sonne trop sombre, “rendons le trauma sexy, fun et romantique pour qu’il soit plus acceptable” (sarcasme). Et puis, si banaliser le trauma ça craint, en rire est aussi parfois un moyen d’en guérir.
Bon Anaïs, beaucoup de préambule mais on peut en venir au coeur du sujet ?
Déjà, de quoi parle-t-on : qu’est ce que le trauma complexe (ou trouble du stress post-traumatique complexe) ?
“Le trauma complexe survient lorsqu’une personne subit des traumatismes répétés ou prolongés, souvent dans un contexte où elle ne peut pas fuir ni se protéger, comme dans des situations de maltraitance, négligence ou abus relationnels (mais pas que !). Contrairement à un trauma unique, il résulte d’un environnement constant d’insécurité émotionnelle.
Il impacte profondément la régulation émotionnelle, l’image de soi et la capacité à établir des relations saines, laissant des traces durables même si l’événement traumatique ne semble pas aussi évident ou isolé.” ChatGPT (bouuuh)
-c’est vulgarisé au max, techniquement SSPT et trauma complexe sont des choses différentes mais j’ai simplifié sinon j’ai pas fini cet article avant 2032-
Je ne vous cache pas que même après 7 ans de thérapie, dont une thérapie des traumas, je suis actuellement en train de penser : “Non mais Anaïs, arrête un peu de jouer les victimes, t’as pas survécu à un attentat ou grandie dans une cave. Ingrate !”.
Voilà, c’est ça aussi le psycho-trauma : nier ce que l’on a vécu, justement parce qu’il semble ne pas y avoir un seul et horrible évènement traumatisant. Dans le trauma complexe, c’est le ressenti ET la répétition qui créent le trauma.
C’est donc un merdier, une accumulation d’un millier de situations – quelles qu’elles soient – vécues comme violentes. Et ces traumas, au lieu d’être traités et classés aux archives de notre cerveau, ils continuent de vivre dans notre corps et notre tête. Car oui, le trauma n’est pas QUE psychologique, mais aussi principalement physiologique.
Maintenant, imaginez être un enfant hypersensible, qui ne comprend pas les règles de ce monde, qui présente une naïveté sociale, et qui grandi dans un monde trop bruyant, trop stimulant, et qui a renié sa nature profonde pour s’adapter…
Et puisque le trauma est lié à la manière dont votre cerveau/corps VIT l’évènement, et non pas à la NATURE de l’événement lui même… Vous voyez où je veux en venir ?
Grandir et évoluer en tant qu’autiste TDAH, qui plus est non diagnostiqué.e, c’est (pour beaucoup) absolument traumatisant.C’est un fait : les personnes neuro-divergentes sont plus susceptibles de développer un SSPT, et/ou d’autres troubles de santé mentale (trouble anxieux, trouble alimentaire, TOC…).
Alors oui, tout humain sur terre à des traumas, là n’est pas le sujet. Dans le cas du trauma complexe, ce sont les conséquences qui sont problémagiques pour les personnes qui en souffrent. (Je viens d’écrire ce merveilleux lapsus que je vais évidemment m’abstenir de corriger tant il est beau et pertinent !).
Et nous y voici donc enfin, ça ressemble à quoi, dans MA propre expérience ?
Alors il faut savoir que le SSPT n’est pas TOUJOURS activé (heureusement lol), et l’idée c’est qu’il le soit de moins en moins, en “réintégrant” les souvenirs traumatiques ET en apprenant au corps à se sentir en sécurité.
Donc, ce qui réactive le trauma, c’est ce qu’on appelle un trigger. Cela peut être un mot, un regard, une phrase, une intonation, une odeur, un environnement, une musique… Mais ça peut aussi être une situation, un film, bref TOUT peut être un trigger, c’est vraiment propre à chacun et surtout, cela dépend de l’histoire de chacun.
Quand l’alarme est activée, c’est la que ça commence, parfois brutalement, parfois insidieusement au fil des jours. Dans mon cas :
- Troubles du sommeil, toujours les mêmes cauchemars très intenses,
- Insécurité et hyper vigilance (sursauts, impression je suis en danger, toujours vérifier mes arrières)
- Anxiété exacerbée / Crises d’angoisse voire attaques de panique
- Dysrégulation émotionnelle (dans mon cas, je pleure beaucoup et ma sensibilité au rejet est exacerbée)
- Perte de confiance en l’autre (l’impression qu’on va me faire du mal, ou me juger/critiquer/rabaisser, qu’on veut profiter de moi / m’exploiter)
- Difficulté à boire, manger, aller aux toilettes, bouger (je suis en mode freeze).
- Besoin de réassurance mais ce n’est jamais assez / ne pas croire l’autre ou être en colère contre lui et vouloir le rejeter
- Isolement et repli social (je ne veux parler à personne et surtout par qu’on me perçoive dans cet état, alors j’évite ou je fais semblant tant bien que mal)
- Maux de tête, tensions dans la nuque, les épaules, le dos…
- Dissociation et trouble attentionnels (être coupée de mon corps, comme une zombie, avoir des absences, perdre la notion du temps et parfois de la réalité)
Et alors le pompon sur la Garonne, pour moi ceci étant la pire des manifestations du SSPT complexe : la haine de soi.
La rage de devoir vivre cette intensité émotionnelle et physique, l’incompréhension et le jugement (pourquoi je suis encore dans cet état ?!). La culpabilité d’être une humaine instable émotionnellement. L’impression d’être une personne absolument toxique, un fardeau pour les personnes que j’aime. La honte d’en parler, qu’on puisse me voir dans une telle vulnérabilité. Je me sens indigne d’être aimée.
Dans ces moments, j’ai une telle colère envers moi, je me déteste, et je dis souvent que si je pouvais me dédoubler, je me frapperai dessus. Et en même temps, je ressens compassion, injustice, tristesse, désespoir… et tout me parait sombre et insurmontable.
Comme évoqué, cela peut durer quelques heures à plusieurs mois, avec des phases plus ou moins actives évidemment, comme une toile de fond avec des sursauts.
Aussi, ça peut paraitre impressionnant vu comme ça – et ça l’est de le vivre – mais je tiens à préciser une chose : la plupart du temps, personne ne remarque rien, car j’ai appris à tout internaliser.
Je répète : personne ne remarque rien les gars, c’est pas hallucinant ?
Je vis tout intérieurement, je m’isole comme je peux, je maintiens un semblant de contact pour n’inquiéter personne. Je souris quand on me regarde, et personne n’en sait rien à part ma meilleure amie, et potentiellement mon chéri.
C’est si important de parler de ça, car en me lisant on peut imaginer de grosses crises, mais comme la plupart des personnes neurodivergentes, ou malades chroniques par exemple : nous sommes les rois du masking. A nos dépens car cela est épuisant, mais c’est aussi un moyen de se préserver du regard de l’autre, se protéger et de garder une sorte de “dignité” je suppose.
C’est difficile à écrire, alors je respire, et je prends le temps. C’est vraiment terrifiant pour moi, c’est la première fois que j’en parle publiquement, et seules mes meilleures amies connaissent cette facette de moi. Je compte vraiment sur votre considération pour commenter en conscience, avec douceur, j’en ai besoin.
J’ai peur qu’on me rejette pour avoir exprimé cela. Je suis terrifiée que rien que de l’écrire, certaines personnes se détournent de moi comme si j’avais la lèpre. Parce que c’est une réalité, la santé mentale est un tabou. Et la plupart des gens en ont peur, ne sont pas équipés pour faire face à une telle intensité, n’ont pas forcément les aptitudes émotionnelles pour recevoir ça, justement car c’est tabou et qu’il n’y a aucune éducation à ce sujet.
Et voilà tout mon propos : JE REFUSE LA DOUBLE PEINE.
Je refuse de me taire et me détester pour quelque chose que j’ai subi.
Ces traumas viennent en partie du masking (camoufler sa neurodivergence), de vivre dans un monde inadapté à ma sensibilité et mon fonctionnement, de violences émotionnelles et psychologiques, du manque d’éducation émotionnelle des années 90/2010, et des personnes mal-intentionnées qui ont profité et abusé psychologiquement de moi quand j’étais plus jeune.
Et je devrais en plus me cacher, me taire, et avoir honte ? Alors que chaque fois que je suis activée, je fais de mon mieux pour m’accompagner, me réguler. Je prends mes responsabilités pour ne pas projeter mes émotions sur mes proches. Ce sont des moments très compliqués qui durent de quelques heures à plusieurs semaines, parfois plus : et malgré tout, je reste “fonctionnelle” au mieux pour éviter que cela n’impacte mes proches. Je prends toujours le temps de discuter, j’exprime au mieux ce qu’il se passe. J’investis temps et argent auprès de psychologues lorsque j’en ressens le besoin. Je prends soin de moi, par amour et considération pour moi-même.
Je traverse la vague, parfois je bois la tasse, mais je remonte sur mon surf, toujours.
Car oui, le SSPT est UNE partie blessée de nous, qui a une sacré influence, mais cela ne nous résume pas. Quand je suis activée, même si cela prend énormément de place, il n’y a pas que ça.
JE NE SUIS PAS LE TRAUMA. Je suis une femme qui fait de son mieux pour prendre soin d’elle et des gens qu’elle aime. Avec ses forces, et ses propres challenges.
Quand le trauma est activé, j’ai conscience de ce qu’il se joue. J’ai appris en thérapie mais aussi dans mes nombreuses formations en psychologie, accompagnement, neuro-diversité (je suis thérapeute depuis 2019), à observer ce qu’il se joue. Mais avoir conscience ne fait pas disparaitre l’émotion ou les sensations.
Certes, une part de moi est convaincue de ne pas être aimable, mais moi, Anaïs, je sais que c’est faux. Et plus j’oeuvre en douceur avec moi, plus je grandis, moins cette voix prend de place, et moins le trauma est réactivé (youhou !). Ce n’est pas linéaire, des fois, je me dis que j’en suis libérée à tout jamais, et puis quelque chose se passe, et ça m’active; mais ce n’est pas une tare ou un malédiction.
Chaque activation, aussi intense soit elle, est une occasion de guérir. Je suis convaincue que lorsqu’on vit une reviviscence il y a deux issues : se re-traumatiser par dessus, ou enfin créer une nouvelle issue, et panser la plaie.
Et donc au plus on régule quand on est activé, moins cela sera intense avec le temps. Ce qui compte, c’est d’être patient et doux, cela prend des années, voire une vie. Voilà pourquoi me rendre actrice de ma guérison, et l’appréhender comme un moyen de grandir et de me sentir plus libre a été une vraie aide sur ce chemin.
Evidemment, je sens aujourd’hui dans mon coeur que je suis digne d’amour, que je m’aime, et que je suis profondément aimée. Seulement, je voulais vous parler d’un bout de ma réalité, d’un de mes challenges.
Aussi, ce qui m’a aidé et qui m’aide :
- M’être engagée dans une thérapie dédiée aux traumas(EMDR) par une psychologue professionnelle formée aux traumas (hyper hyper important les gars vraiment)
- Avoir renoué avec mon âme, savoir dialoguer avec elle / mes guides / l’invisible, avoir la foi aussi – clairement je pourrais pas dire à quel point ça m’aide !
- Avoir été diagnostiquée autiste et TDAH pour mieux comprendre les liens avec le SSPT et distinguer leurs particularités dans mon fonctionnement,
- Avoir la best des best des meilleures amies (qui est aussi une thérapeute incroyable), des amies qui comprennent et/ou vivent la même chose (love you),
- M’être informée un max sur le sujet pour mieux comprendre et moins juger,
- Avoir changé mon mode de vie, mon entourage, mon environnement
- M’exprimer à travers l’Art
- Avoir écrit et partagé mon histoire en ligne et fédéré une magnifique communauté de personnes sensibles comme moi,
- Voir mes proches et passer des moments simples qui me font du bien (repas, sorties, jouer avec les enfants…)
- Passer du temps en nature, faire de grande balades, voir des animaux…
- Vivre auprès de quelqu’un à l’attachement sécure, stable émotionnellement, avec une grande intelligence émotionnelle, et énormément d’amour/soutien/communication.
Je pense avoir transmis l’essentiel. Je suis éclatée au sol après des heures d’écriture, apeurée à l’idée de rendre ça public, et aussi libérée et fière. Fière de faire porter ma voix, mon histoire, un bout de mon quotidien. Fière de dépasser la peur et la honte, pour reconnaitre mes challenges, et les immenses forces que j’ai aussi.
Si cet article a résonné en toi, je t’invite à la partager pour sensibiliser à ces sujets, et soutenir mon travail. Chaque partage est précieux. Merciiii.
Si tu t’es reconnu dans mes mots, tu as toute ma compassion, et mon respect. La honte est un écran de fumée. Tu es incroyablement fort.e et résilient.e. Tu es bien plus que tes traumas, et tu es un cadeau pour tes proches. Take care.
PS : j’ai vulgarisé au max, je parle principalement de mon expérience, il se peut que tout ne soit pas ultra scientifiquement correct, ne prenez pas mes écrits pour une vérité, consultez des professionnels de santé mentale si vous rencontrez des difficultés.
Anaïs
Artiste, Chamane
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